"Kim Jong-un est-il vraiment K-pop?
Participation aux jeux olympiques de Séoul, rencontre avec Xi Jinping et le patron de la CIA, en attendant Donald Trump, concert de pop sud-coréenne à Pyongyang … Après avoir menacé de frapper Séoul, Tokyo et les Etats-Unis, Kim Jong-un est passé de manière frénétique à la phase séduction. Faut-il accepter ses avances, histoire d’éloigner le risque d’embrasement général ?
La réponse de Pierre Rigoulot est nette. Cet historien du communisme, vingt ans après avoir rédigé le chapitre consacré à la Corée du Nord dans Le Livre noir du communisme, remet les pendules à l’heure. Pour en finir avec la Corée du Nord, qui vient de paraître aux éditions Buchet-Chastel, a le mérite de rappeler que des phases de détente avec le régime de Pyongyang ont déjà existé, par exemple en 1991, 2000 ou 2007. De même que les options de frappes préventives sur la Corée du Nord, en 1994 ou 2006. Pas la peine de rêver. Les espoirs de réconciliation seront certainement brisés, selon Pierre Rigoulot, par de nouvelles avancées dans le programme nucléaire secret nord-coréen.
Pourquoi ce pessimisme ? Parce que nous avons affaire à un régime vraiment particulier. Pas une dictature classique, qui interdit aux individus de remettre en cause le pouvoir politique, mais un « totalitarisme [qui] veut révolutionner la société par la fusion en elle de tous ses membres, par la prise en main de l’ensemble de sa population » (p. 86). Selon Pierre Rigoulot, il est inexact de dire que les droits sont bafoués en Corée du Nord. Conformément à l’idéologie « djoutché », mélange de socialisme et d’ultra-nationalisme délirant, les droits de l’homme sont tout bonnement niés en tant que tels ! L’historien décrit avec précision les purges, le terrorisme d’Etat, l’enfermement de la population et les camps de concentration où se déroulent les tortures, les viols et les exécutions. Aujourd’hui, en Corée du Nord, on peut naître dans un camp parce qu’on a eu un grand-père accusé d’être un ennemi du peuple. Y être envoyé pour n’avoir pas nettoyé la poussière déposée sur le portrait domestique du Grand Leader, pour avoir assisté à un office religieux clandestin ou avoir écouté une chanson pop sur une radio étrangère. Les habitants sont invités à assister à des exécutions publiques dans des stades.
Que faire, alors face au dernier régime totalitaire du monde ? Non pas en finir par des frappes américaines — une puissance de « feu et de fureur telle que le monde n'en n'a jamais vu », fanfaronnait Donald Trump en août dernier. Mais par une attitude stricte et cohérente : le maintien des sanctions et un bombardement… d’informations, afin que la population sacrifiée de la Corée du Nord finisse par se débarrasser elle-même, comme les Soviétiques en leur temps, de ce régime. Aider les dissidents nord-coréens, faire connaître leur témoignage, à l’extérieur comme à l’intérieur de leur pays, devient un enjeu vital au service d’une realpolitik. Méfions-nous du sourire de Kim Jong-un.
A lire : Pierre Rigoulot, Pour en finir avec la Corée du Nord, Buchet Chastel, 2018