L’Europe, entre Orban et Maïdan. L'avis d'Adam Michnik
Le grand dissident polonais Adam Michnik, rédacteur en chef du quotidien Gazeta Wyborcza, vient d’accepter de devenir l’un des parrains de notre association. Lorsque nous l’avons rencontré à Varsovie, il nous a confié que dans son pays les attaques du pouvoir conservateur contre la justice, les médias et la société étaient devenues tellement violentes qu’une partie de la population était désormais prête à la révolte.
La rédaction de la Gazeta Wyborcza, quotidien fondé en 1989, est plus que jamais en ébullition, en cette fin mai. Il faut dire que les lois réduisant l’indépendance de la justice et des médias, initiées par le parti « Droit et justice » (PIS) au pouvoir, ont de quoi inquiéter les journalistes. Le patron du journal est toujours Adam Michnik, le dissident historique, qui a passé six ans de sa vie en prison sous le régime communiste, et qui joue un rôle majeur dans l’histoire de son pays depuis plus de cinquante ans. Il ne mâche pas ses mots. Son pays, nous dit-il de sa voix rocailleuse, « se poutinise de jour en jour. Nous nous dirigeons vers un Etat autoritaire. Il n’y a plus de politique, en Pologne, mais seulement des opérations spéciales : on arrête par exemple un membre de l’opposition en l’accusant de corruption ! »
Mais, contrairement à la Russie, l’opposition à ce processus est forte « Nous vivons, poursuit Michnik, une situation profondément conflictuelle entre les partisans de cette tendance xénophobe, homophobe, nationaliste et anti-européenne, et les libéraux, de droite comme de gauche, pro-européens ». « Il est même possible d’envisager un maïdan», un soulèvement à l’ukrainienne, conclut le dissident.
L’Italie, l’Autriche et la Bavière ont créé un front commun contre l’accueil des migrants. Une partie de l'Europe occidentale rejoint ainsi le groupe emmené par le premier ministre hongrois Viktor Orban. Cette vision d'un continent identitaire a des chances de l’emporter. Mais la résistance s’organise.