En août 2015...
En août 2015, lors du simulacre de procès où il a comparu sous l’absurde accusation de terrorisme, le cinéaste ukrainien Oleg Sentsov a cité le roman de Boulgakov, Le Maître et Marguerite. « Quand Ponce Pilate, après toute une éternité à réfléchir sur son crime, est enfin pardonné, il dit à Yeshoua Ha-Nozri : "Tu sais, tu avais raison, le plus grand péché sur terre, c’est la lâcheté." Je suis tout à fait d’accord avec cette phrase du grand écrivain russe : la lâcheté est vraiment le plus grand, le plus terrible péché qui soit et la trahison est l’une de ses manifestations. » Nous serons nous même des lâches si nous ne faisons pas tout, aujourd’hui, pour que cet artiste, cet activiste, ce défenseur infatigable des libertés, ne meure pas de la grève de la faim qu’il a entamée depuis maintenant plus d’un mois.
Cinéaste de talent, acclamé par les critiques, Oleg Sentsov s’est opposé à l’annexion de la Crimée par le voisin russe en 2014. Arrêté, battu, torturé, il a été incarcéré et les autorités russes s’obstinent à lui dénier sa nationalité ukrainienne et à la considérer comme un citoyen russe. Condamné à vingt ans d’emprisonnement dans un camp de travail, Oleg Sentsov a entamé le 14 mai une grève de la faim dont il pourrait mourir. Ceci se passe aux portes de l’Europe. Une Europe en qui Oleg Sentsov fonde de nombreux espoirs et qui ne peut être lâche au point d’accepter le sort qui est fait à cet homme.
Je suis devenue écrivain grâce à Boulgakov, à Tchekhov, à Gogol, à Vassili Grossman, à Boris Pasternak, Soljenitsyne et à tant d’autres écrivains russes de génie. Des artistes immenses qui, comme Oleg Sentsov, ont dû faire face à l’arbitraire, à la brutalité et à l’emprisonnement injuste. Retenons les leçons qu’ils ont essayé de nous transmettre et faisons tout ce qui est possible pour rendre à Oleg Sentsov sa liberté.
Leïla Slimani