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Galia Ackerman : comment Poutine a sacralisé la guerre


Le 9 mai 2019, un million de personnes ont participé, d’après les organisateurs, au « Régiment immortel », dans les villes russes, mais aussi dans plusieurs métropoles mondiales. De quoi s’agit-il ? D’une marche commémorant la victoire soviétique sur les nazis durant la Seconde Guerre mondiale. Elle a lieu après le défilé militaire de la Place rouge. Arborant souvent le ruban de Saint-Georges, nouvel insigne du nationalisme russe, les participants brandissent la photo d’un de leur ancêtre ayant participé à ce qu’on appelle en Russie la Grande Guerre Patriotique. Beaucoup d’enfants portent un uniforme et une casquette militaire.


Pour avoir une idée de cette étrange cérémonie, on peut regarder les programmes d’information du jour (par exemple, en russe : https://www.1tv.ru/news/issue/2019-05-09/13:50#1). Pour la comprendre, il faut lire une enquête intellectuelle passionnante qui vient de paraître en France : Le Régiment immortel, de Galia Ackerman, aux éditions Premier Parallèle. L’historienne, qui a participé au combat des grands dissidents soviétiques, dresse la généalogie de cette opération idéologique majeure du poutinisme tardif. Elle en dévoile les différents étages. L’exaltation sans nuance du peuple victorieux flatte tout d’abord une mémoire néo-soviétique (sans le marxisme) fondée sur le sentiment de puissance et d’hostilité à l’Occident. En conséquence, elle interdit tout examen historique de la Seconde guerre mondiale. Elle fait du pacte germano-soviétique, qui a connu des défilés militaires communs et a permis au NKVD de livrer des centaines de personnes à la Gestapo, un tabou. Elle passe également sous silence le ralliement de certains pans de la population aux Allemands, considérés comme des libérateurs après des décennies d’oppression soviétique.


Plus profondément, d’après Galia Ackerman, les

idéologues du poutinisme cherchent à réveiller une tradition messianique qui fait de la « Sainte Russie » une puissance mystique, sacrificielle et salvatrice. Ce fantasme n’a pas disparu durant la période soviétique. Staline l’a notamment réveillé pour ne pas perdre la guerre. Ce mythe vise désormais à mobiliser la population russe contre un Occident honni — et surtout à faire oublier les problèmes réels du pays.


Pour comprendre les ressorts d’une politique identitaire et belliqueuse, il faut lire ce livre.

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