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Lettre ouverte à Emmanuel Macron

Le 9 décembre 2019 Center for Civil Liberties (Kiev) / Les Nouveaux Dissidents (Paris)

Monsieur le Président,


Nous, citoyens ukrainiens ou français, Européens de statut ou de coeur, connaissons votre engagement pour obtenir de Vladimir Poutine la libération des Ukrainiens détenus en Russie en qualité « d’otages » — puisque les crimes qui leur ont été reprochés sont imaginaires. Nous vous sommes reconnaissants pour votre obstination, qui a porté ses premiers fruits. Le 7 septembre dernier, 35 d’entre eux ont été échangés.

Mais nous ne sommes qu’au milieu du gué. 87 Ukrainiens sont encore détenus en Russie, de façon tout aussi injuste que leurs compatriotes désormais en liberté, après des arrestations arbitraires et des procès truqués. Dans le Donbass contrôlé par les forces russes, 227 militaires et citoyens sont privés de liberté. Parmi ces centaines de personnes, pour n’en citer que quelques uns, se trouvent le défenseur des droits, coordinateur de « Solidarité criméenne » Emir Hussein Koukou, les journalistes de Crimée Nariman Memediminov et Remzi Bekirov, le journaliste de Donetsk Stanislav Asseev, l’infirmière Marina Tchouïkova, le professeur de philosophie Oleg Galaziouk, le retraité Vitali Atamtchouk… Non seulement la Fédération de Russie rejette les exigences des organisations internationales sur la libération des prisonniers politiques, mais la répression s’intensifie. Rien qu’en mars 2019, 24 nouvelles personnes ont été arrêtées en Crimée et emmenées en Russie. Beaucoup des détenus ukrainiens n’ont pas le droit de recevoir de visites du Comité international de la Croix rouge. Certains d’entre eux ne peuvent obtenir les médicaments dont ils ont besoin. D’autres ont été torturés.

Vladimir Poutine considère ces prisonniers comme une fructueuse monnaie d’échange. Il veut s’en servir pour arracher des concessions de la part de l’Ukraine lors du prochain sommet au « format Normandie » (Russie, Ukraine, France, Allemagne) le 9 décembre à Paris. Le président russe voit d’abord votre projet d’inclure la Russie dans la civilisation européenne comme l’occasion d’obtenir des gains : levée des sanctions, réintégration de son pays dans les instances internationales, concession ukrainiennes, disculpation dans l’affaire du Boeing de la Malaysian Airlines abattu en juillet 2014… En échange, si les enchères lui paraissent satisfaisantes, il sera peut-être prêt à libérer quelques otages — avant d’en kidnapper de nouveaux, pour la fois d’après. Ce jeu se pratique dans les mafias, ou avec des groupes terroristes. Mais il est indigne de relations saines entre grandes nations. Pour un Etat de droit, la liberté de personnes innocentes ne s’échange pas. Elle s’obtient. Pour le pays qui a considéré les droits universels, le chantage avec des vies humaines n’est pas admissible.


Monsieur le Président, si vous voulez que la Russie participe, tout comme l’Ukraine, à la politique et à la culture européenne, refusez les méthodes de voyou et le chantage. Réclamez la libération sans conditions des prisonniers ukrainiens. Avant de pousser l’Ukraine à des concessions, avant de croire sur paroles les promesses de Vladimir Poutine, imposez des règles du jeu claires avec Moscou. Nous vous demandons de mener à bien la tâche que vous avez courageusement et brillamment commencée : obtenez que tous les otages ukrainiens soient rendus à leurs familles.

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