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L’Amérique latine au secours d’artistes dissidents

Philippe Ollé-Laprune, ancien conseiller culturel à l’ambassade de France au Honduras, co-fondateur et co-directeur de l'agence Ad'Hoc pour le développement culturel, directeur du Bureau du Livre de l'Ambassade de France au Mexique, développe depuis plus d’un an le réseau ICORN en Amérique latine, un réseau de villes qui accueille des artistes en danger.


Pouvez-vous expliquer ce qu’est précisément le réseau ICORN ?

ICORN (International Cities of Refuge Network) est une organisation indépendante composée de villes et de régions qui offrent un refuge à des artistes en danger. Quatre-vingts villes dans le monde sont aujourd’hui membres de ce réseau. Il s’agit d’une initiative née en 2005 après l’arrêt du Parlement international des écrivains, un réseau de villes-refuges qui accueillait des écrivains menacés. Les villes du réseau ICORN offrent ainsi un accueil de plusieurs mois (un à deux ans) non seulement à des écrivains mais aussi à des artistes issus de toutes les disciplines et qui sont menacés à cause de leurs activités créatrices. Ce réseau a déjà accueilli plus de 200 artistes.


Quel est votre rôle exactement ?

Je viens de laisser la direction de la Casa Refugio Citlaltépetl que j’avais créée en 1999 et qui accueillait et éditait au Mexique des écrivains en danger. Je suis désormais conseiller culturel à l’université UAM (université autonome métropolitaine) de Mexico, pour monter ce réseau de villes-refuges dans toute l’Amérique latine. Pour le moment, seule la ville de Mexico, qui a une longue tradition d’accueil des intellectuels du monde entier, en est membre. L’histoire du Mexique au XXème siècle est marquée par l’arrivée des républicains espagnols, des anti-nazis puis plus tard des Chiliens, Argentins, Uruguayens, Brésiliens… Le pays a changé en profondeur grâce à ces apports qui l’ont modernisé. Rappelons aussi des personnages exilés importants comme Trotsky, Victor Serge, Benjamin Péret, Ana Seghers etc…


Pourquoi êtes-vous basé dans une université pour développer ce réseau ?

Au Mexique, le savoir est de plus en plus détenu par l’université. Et c’est d’autant plus vrai avec la perte de puissance de l’Etat-nation. L’université de Mexico est un véritable pilier intellectuel pour le pays. Elle est à l’origine de nombreuses initiatives. Même si l’Etat entretient encore une machine culturelle importante, la lourdeur de son fonctionnement n’autorise pas trop de nouvelles initiatives. L’université entretient depuis longtemps une activité culturelle de premier plan avec une politique éditoriale, une diffusion de spectacles, une cinémathèque. Par exemple nous allons développer une collection de livres d’auteurs exilés depuis mon poste à la UAM.


Comment est-ce que le réseau fonctionne ? Ce sont les artistes qui vous contactent ?

Oui, ils se connectent sur notre site internet, sollicitent notre aide. Le réseau étudie leur demande, vérifie leurs informations, s’ils sont réellement en danger ou pas dans leur pays. Puis nous soumettons officiellement la candidature à une ville. Souvent les affinités fonctionnent en relation avec les projets que chacun entend mener avec l’artiste résident. Chaque ville reçoit en général un résident. Mexico a été un cas en en recevant deux. Le séjour est financé par les services culturels des municipalités. Les artistes sont logés, reçoivent une bourse et peuvent aussi bénéficier de formations comme apprendre la langue du pays qui les accueille.


Combien de villes espérez-vous rallier au réseau ?

Je suis en contact avancé avec une dizaine de villes en Amérique latine : quatre au Mexique en plus de Mexico, et cinq sur le reste du continent. C’est très important pour ces pays de montrer qu’après une vague de dictatures, de guerres, d’incertitudes politiques, ils peuvent désormais accueillir des artistes en danger venus d’ailleurs. C’est aussi, pour eux, une fantastique ouverture sur le monde. Aujourd’hui, nous avons quatre-vingts artistes en attente pour l’ensemble du réseau. Les demandes explosent, en provenance d’Iran, de Syrie, d’Egypte, de Turquie, de Somalie, d’Asie centrale… J’espère de mon côté en accueillir une dizaine d’ici un an. Il y a urgence.



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