Belarus : « Une séquence cauchemardesque » pour les combattants de la liberté
Vendredi 28 mai se sont rassemblés sur le parvis de l’Hôtel de Ville de Paris plusieurs dizaines de citoyens et représentants d’associations pour protester contre l’arrestation du journaliste bélarusse Roman Protassevitch et de sa compagne russe Sofia Sapega.
La diaspora bélarusse à Paris était particulièrement présente, comme lors des précédentes mobilisations qui ont pu être lancées depuis l’été 2020. Le collectif réuni notamment au sein de l’association Communauté des Bélarusses à Paris affichait une fois de plus, comme ses concitoyens au Belarus, sa détermination et son endurance.
Plusieurs prises de parole se sont succédé, qui ont toutes contribué à souligner combien l’on avait franchi une étape importante avec le détournement de l’avion qui transportait Protassevitch et Sapega, et ont été l’occasion de rendre unanimement hommage au courage du peuple bélarusse.
Aux côtés des banderoles en rouge et blanc, on pouvait voir cette fois les portraits de journalistes bélarusses détenus brandis par la foule rassemblée sur le parvis. À l’initiative de Reporters sans frontières, ces portraits ont fait dans la même journée l’objet d’un accrochage le long de la frontière entre le Belarus et la Lituanie.
En moins d’une heure, Reporters sans frontières mais aussi Alexis Prokopiev pour Russie Libertés, Cécile Coudriou d’Amnesty International, ainsi que le sénateur des Hauts-de-Seine André Gattolin, ou Marie Mendras (qui vient de lancer avec la revue Esprit le comité Russie-Europe) et enfin Nicolas Tenzer et Galia Ackerman (tous deux viennent de créer la newsletter Desk Russie dont nous vous parlions la semaine dernière) ont apporté des éclairages complémentaires sur ce kidnapping extravagant.
C’est une “séquence cauchemardesque”, pour reprendre les mots de Christophe Deloire (Reporters sans frontières), qui s’est déroulée en quelques jours :
le 18 mai, le site d’information indépendant tut.by qui rassemble plus de 3 millions de visiteurs par mois a été bloqué par les autorités bélarusses,
le 23 mai, l’avion transportant Protassevitch et sa compagne a été détourné sur la base d’une prétendue alerte à la bombe,
le 24 mai, Loukachenko faisait lourdement amender la loi sur les médias pour restreindre la liste des sujets autorisés, notamment les sondages qui n’auraient pas été dûment autorisés, ou encore pour renforcer drastiquement le contrôle sur la diffusion des contenus en ligne, et enfin revoir les accréditations accordées aux journalistes.
Christophe Deloire revenait de Vilnius où RSF a déposé plainte contre le président Loukachenko. Ce sont de très jeunes journalistes, souligne-t-il, d’à peine 25 ou 27 ans, qui se retrouvent déjà en exil, et “vivent la peur au ventre, puisqu’à tout moment, ils risquent de se faire enlever, avec un sac sur la tête, dans un coffre de voiture, pour un retour au pays” comme le rappelle Deloire, citant un membre du Parlement bélarusse.
Alice Syrakvash (co-présidente de Communauté des Belarusses à Paris, et membre fondatrice des Nouveaux Dissidents) a ajouté que depuis août 2020, l’arbitraire et la terreur s’abattent non seulement sur les journalistes mais aussi sur tous les citoyens bélarusses qui manifestent et s'expriment, voire sur les réfugiés politiques en Union européenne que le risque d’enlèvement concerne aussi.
On ajoutera à l’accélération des événements de ces derniers jours que le 28 mai, le président Loukachenko était reçu à Sotchi par Vladimir Poutine, qui a réaffirmé son soutien au président bélarusse. La séquence cauchemardesque hélas ne se termine pas avec cette rencontre au sommet entre le maître du Kremlin et le dictateur bélarusse. Évoquant les "mesures actives” telles qu’on les nommait au temps du KGB dans l’Union Soviétique et dont Poutine s’est déjà rendu coupable avec des empoisonnements et des meurtres, Galia Ackerman donne l’alerte : cet acte de piraterie aérienne est certes une mesure active spectaculaire mais hélas il n’est pas isolé et devrait connaître des suites.
Afin de faire cesser cette course en avant de la répression, partout en Europe, le sort du peuple bélarusse doit être au cœur de nos préoccupations.
Sumi Saint Auguste
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