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Compétitions sportives : les jeux du boycott et du soft power

Alors que la pandémie mondiale a provisoirement suspendu ou reporté plusieurs compétitions sportives internationales, alors que le doute plane à nouveau sur les Jeux Olympiques de Tokyo, décalés de juillet 2020 à juillet 2021, les rendez-vous sportifs de 2022 semblent pouvoir se tenir, et déjà s’invitent dans l’actualité, précipitant un autre calendrier, géopolitique celui-là.


Mi-janvier, au Belarus, Alexandre Loukachenko renonçait à accueillir le Championnat du monde de hockey sur glace dont il était censé être le co-hôte, avec la Lettonie. Sous la pression de l’opposition démocratique pacifique, les marques sponsors de la compétition telles que Skoda ou Nivéa ont menacé de se retirer du championnat qui se déroule en mai-juin prochain, si ses organisateurs le maintenaient à Minsk.

Cet épisode rappelle que les événements sportifs sont des moments délicats. Des prises de positions politiques peuvent s’y exprimer. Ils peuvent également être boycottés. La menace de boycott est utilisée pour faire pression sur les organisateurs d’événements. Elle abîme la réputation du pays-hôte. Elle met également en péril la viabilité économique de l’événement, et ses bénéfices touristiques, à cause du risque de retrait des annonceurs et de défection du public.

Tout début février, c’est le Championnat international de lutte de 2022 qui a été déplacé en Serbie alors qu’il devait se tenir initialement à Moscou. Cette décision fait suite à l’interdiction par l’Agence mondiale antidopage qui écarte la Russie de toute compétition sportive internationale pour deux ans.

Depuis le 4 février enfin, les prochains Jeux olympiques d’hiver qui doivent se tenir à Pékin début 2022 font l'objet d’une campagne internationale d’appel au boycott qui rassemble 180 collectifs notamment tibétains, ouïghours, hongkongais et de Mongolie intérieure. Cet appel a donné lieu à une conférence de presse au Japon où ses porte-paroles faisaient valoir que la répression chinoise allait grandissant et interdisait que la Chine soit autorisée à organiser les Jeux d’hiver de février 2022.

Au-delà de ce calendrier mondial des grandes rencontres à échelle continentale ou internationale, le sport est aussi un instrument d’influence. Les militants des droits de l’Homme parlent même de sportswashing. Ainsi vont-ils alerter dans ce sens les opérateurs de ces événements, les fédérations et les sportifs eux-mêmes en les incitant à parler et à prendre position, par exemple en Arabie Saoudite où deux compétitions de course automobile sont prévues fin février à Diriyah puis en novembre à Djeddah.

Le Qatar, quant à lui, se prépare activement à accueillir la coupe du Monde de football en 2022, malgré les accusations de corruption et de surexploitation des travailleurs étrangers sur les multiples chantiers en cours, malgré l’aberration écologique qui prévoit de climatiser des stades de 40 000 places.

La Chine elle aussi se positionne sur le terrain du football, qui entre à part entière dans sa stratégie de soft power.

En effet, le régime chinois a investi massivement l’univers du football en rassemblant il y a déjà plus de quinze ans des millions de fans pour Manchester United puis Real Madrid. Un parc à thème “Lionel Messi” est en cours de construction à Nanjing. Surtout, la Chine achète progressivement des parts sur ce marché du football mondial, soit par le transfert de joueurs et d’entraîneurs vers la Chine, soit par l’acquisition de multiples clubs européens, élargissant encore davantage la base de fans en Chine, et poussant des pions auprès du public occidental qui se soucie avant tout de la pérennité économique de ses équipes.

Là où elle échoue à se conformer aux canons démocratiques occidentaux, la Chine trouve ainsi dans le sport un moyen d’influer positivement, de renvoyer une image fédératrice et populaire, à l’étranger comme pour sa propre population.


Manifestes et menaces de boycott d’un côté, déploiement de moyens financiers puissants et captation d’un large public acquis au football ou aux sports mécaniques de l’autre : le combat pour les libertés humaines se joue aussi dans les stades.


Sumi Saint Auguste

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