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Le chercheur et activiste Bahruz Samadov arrêté en Azerbaïdjan



 Le 21 août dernier, les autorités azerbaïdjanaises interpellent Bahruz Samadov, alors en visite dans la résidence de sa famille à Bakou, capitale de la pétro-dictature du Caucase. Ce chercheur en sciences politiques à l’Université Charles de Prague de 28 ans, se présentant comme « socio-démocrate », est une voix rare dans la presse pour comprendre les enjeux du Caucase, véritable poudrière post-soviétique régulièrement au centre de toutes les attentions. Également activiste en faveur de la paix avec l’Arménie, ses recherches portent sur l’analyse des discours politiques azerbaïdjanais au moyen des outils théoriques du post-structuralisme et de la psychanalyse. 

 

D’après OC Media, il a été inculpé pour trahison par le tribunal de district de Sabail et risque entre douze et vingt années de prison, voire la peine de mort, s’il est jugé coupable. Dans une vidéo postée sur X, on le voit sortir du tribunal avant d’être embarqué dans une fourgonnette blanche. D’après son avocat Zibeyda Sadigova, Samadov a clamé son innocence tout le long du procès. Le tribunal a cependant condamné Samadov à quatre mois de « pré-détention », dans le but de l’empêcher de quitter le pays le temps de l’enquête, bien que son avocat ait précisé que cela n’était pas l’intention de Samadov.

 

Quelque temps avant son arrestation, OC Media recevait un article du chercheur, habitué à contribuer pour ce journal indépendant couvrant l’entièreté du Caucase. Revenant sur les différences entre les relations respectives de l’Azerbaïdjan et de la Turquie avec la question palestinienne, il y détaille notamment la coopération entre Bakou et Tel-Aviv en matière de technologie militaire. Dans cet article, Samadov montre comment le “pan-turquisme” – à la base de l’idée de deux États (Turquie et Azerbaïdjan) une seule nation (turque) – s’est récemment rafraîchi en raison de la guerre israélo-palestinienne. Là où la Turquie affiche un soutien sans faille à la Palestine, l’Azerbaïdjan demeure sur le terrain de la neutralité : “Israel a aussi contribué aux réussites militaires de l’Azerbaïdjan ”, notamment via l’achat d’armement, explique-t-il dans cet article analysant la géopolitique au moyen des discours politiques. Pour autant, l’autocrate Aliyev continue de revendiquer l’Azerbaïdjan comme étant “turc”, continuant de s’inscrire dans une historiographie nationale panturque adoptée dès les années 1990. Il pointe cependant comment la Palestine a été perçue par la population azerbaïdjanaise comme un soutien de l’enclave à population majoritairement arménienne du Haut-Karabakh, annexée en septembre 2023 à la suite d’opérations militaires éclair. Un motif parmi d’autres justifiant l’analyse d’un refroidissement des relations entre Ankara et Bakou, ainsi que le narratif “panturque” le soutenant.

 

Toujours selon OC Media, Samadov aurait l’intention d’entamer une grève de la faim. Suite à son arrestation, les premières réactions internationales sont venues de République tchèque. Le journal suédois Blankspot rapporte ainsi le soutien de l’université Charles, où Samadov est inscrit en thèse, ainsi que du Ministère des Affaires étrangères tchèque, assurant être « informé de la situation de Mr Bahruz Samadov » tout en spécifiant que « personne ne serait gagnant à divulguer plus de détails » sur sa situation. L’Université Libre de Bruxelles a elle aussi tenu à alerter le 2 septembre sur l’arrestation du chercheur, université au sein de laquelle il a participé activement à un groupe de recherche visant à développer une nouvelle approche de l’historiographie du conflit qui oppose l’Arménie et l’Azerbaïdjan.

 

Amnesty International a également appelé ce lundi 2 septembre à la mobilisation internationale en vue de la libération du chercheur. Natalia Nozadze, chargée du Caucase du Sud pour l’organisation a ainsi déclaré : « Les nouvelles arrestations et détentions alarmantes visant les détracteurs du gouvernement ne doivent pas être négligées. La communauté internationale doit les condamner avec la plus grande fermeté. Au cours des deux dernières semaines, pendant la campagne électorale, deux personnalités ont été arrêtées sur la base d'accusations fallacieuses, tandis que d'autres ont été menacées et harcelées. »

 

Le 1er septembre, des élections législatives anticipées ont eu lieu, se soldant par la victoire du parti présidentiel (68 sièges sur 125) et par le boycott d’une partie de l’opposition. Mais c’est dans un autre contexte, international cette fois, qu’interviennent ces arrestations : en novembre prochain, l’Azerbaïdjan accueillera la COP 29 dans sa capitale. Selon le média Blankspot, « l’année passée, le nombre de prisonniers politiques en Azerbaïdjan a triplé, pour atteindre un peu plus de 300 ». Reporters Sans Frontières a classé l’Azerbaïdjan 164e sur 180 dans son classement des pays les plus répressifs en matière de journalisme.

 

 

Pour rejoindre la mobilisation visant à défendre Bahruz Samadov ainsi que d’autres universitaires azerbaïdjanais emprisonnés, vous pouvez signer la lettre ouverte publiée ICI.


Alexandre Jadin

 

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