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Asli Erdogan réagit au scandale des mosquées en Turquie : « Écouter Bella Ciao et pleurer »

À Izmir, troisième ville de Turquie, des mosquées ont diffusé « Bella Ciao » mercredi dernier à l’heure de l’appel à la prière. Des inconnus ont piraté le système d’appel à la prière pour diffuser le chant de révolte italien des résistants durant la Seconde Guerre mondiale depuis plusieurs minarets de la ville. La vidéo de l’événement a été largement partagée sur les réseaux sociaux. Et Banu Özdemir, l’ancienne vice-présidente provinciale de CHP (Parti Républicain du peuple) a été arrêtée pour l’avoir diffusée depuis son compte Twitter. Nous avons contacté ce matin la célèbre romancière et journaliste turque, Asli Erdogan, qui nous livre à travers ce texte, son regard sur cet acte de dissidence.

[English text below]

“ L’humour est une chose que le néo-fascisme turc ne supporte pas. Nos dictateurs, le principal comme ses petites répliques, ne supportent pas l’idée d’être ridiculisés. Aussi, je ne suis pas surprise par la réaction de l’AKP ou de son allié plus nationaliste le MHP [Parti du mouvement nationaliste] pris dans une bouffée de rage et de colère à propos de la diffusion de Bella Ciao dans plusieurs mosquées d’Izmir. Bella Ciao n’est pas une vieille marche désuète de l’opposition turque, elle est encore très actuelle, avec un esprit résistant, et est devenue plus qu’un symbole pendant Gezi [le mouvement de protestation au parc Gezi en 2013]. (Quand j’ai été libérée de prison, mes camarades de détention kurdes, sachant mon attachement viscéral à cette chanson, me l’ont chantée en turc au moment des adieux).

Comme ils ne pouvaient trouver personne qu’ils auraient pu tenir pour responsable du scandale et envoyer en prison (être arrêté au temps du coronavirus s’avérant doublement dangereux), ils ont jeté leur colère sur un membre du CHP [Parti républicain du peuple]. Une jeune femme qui a tout juste tweeté à propos de la diffusion a été sommée de s’expliquer, et arrêtée. Arrêtée ! Des dizaines de milliers de personnes sont arrêtées en Turquie pour avoir simplement tweeté ou retweeté. Il y a quelques jours, un jeune homme qui a lancé une plateforme intitulée : le Mouvement sans noms, a été mis en garde à vue. Quelques heures plus tard, c’est un journaliste qui en parlait qui a été arrêté. Tous deux ont été relâchés, jusqu’à ce que M. Erdogan fasse alors valoir qu’il n’aimait pas ce genre de tweets. Bien sûr le jeune homme est maintenant en prison.


J’aimerais vous rappeler que le virus s’est introduit désormais dans les prisons, et y tue. Le CHP, principal parti d’opposition, a eu une réaction qui prouve que tout devient aigre, puis amer, puis vain et peut-être même fatal en Turquie. Ils ont dénoncé la diffusion de Bella Ciao encore plus vivement que le gouvernement, répétant de tout coeur le long discours sur le caractère sacré des mosquées et du drapeau. Ce ne sont pas seulement 200 journalistes mais des dizaines de milliers de personnes utilisant internet pour diffuser leurs idées qui sont actuellement en prison. Les conditions d’hygiène y sont épouvantables, la possibilité de consulter un médecin n’est que théorique, la pandémie pourrait frapper de manière dévastatrice à tout moment. Osman Kavala et Ahmet Altan sont à Sivili, où presqu’une centaine de prisonniers ont été testés positifs.

Je ne sais pas quoi dire de plus. Peut-être juste écouter Bella Ciao, et pleurer. "

Asli Erdogan


Humor is the one thing Turkish neo fascism can not stand. Our dictators, the main one and his little replicas, can not bear the idea of being ridiculed. Hence I was not surprised at the reaction of AKP or its more nationalist ally MHP, going into a fit of rage, wrath, etc. over the news that Ciao Bella was broadcasted in several mosques in Izmir. Ciao Bello is not an old fashioned partisan march for Turkish oppositionary, it is still alive with the resistant soul and became more of a symbol during Gezi days. ( When I was released from prison, my Kurdish ward mates, knowing my emotional ties with this song, sang it in Turkish for me as the last farewell)

As they could not find anyone they can hold responsible for the scandal and send to jail (in times of corona being arrested is doubly dangerous), they took out their anger from one CHP member. A young lady who barely tweeted on the broadcast and demanded an explanation was arrested. Yes arrested! Tens of thousands are arrested for merely tweeting or retweeting in Turkey. A few days ago a young guy who had established a platform, Movement without Names, was taken under custody, a few hours later a journalist who commented on this was also taken. They were both released until Mr. Erdogan commented he really dislikes such tweets. Now of course the young guy is in prison. I would like to remind that the virus has already slipped into the prisons, taking away lives. CHP, the main oppositionary party, gave a reaction that proves everything turns sour, then bitter, then futile, perhaps even fatal in Turkey. They denounced Ciao Bella broadcast stronger than the government, repeating whole heartedly the long discourse on sacredness of mosque and flag.

Not only 200 journalists but also tens of thousands of people who used internet to share their ideas are in prison at the moment. The hygienic conditions are appalling, the possibility of seeing a doctor exists more in theory, the pandemic might have a devastating strike any moment. Osman Kavala and Ahmet Altan are in Silivri, where almost a hundred prisoners tested positive.

I really do not know what to say anymore. Just listen to Ciao Bella perhaps and cry...

Asli Erdogan






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