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« La liberté à Hong-Kong est entre la vie et la mort »

La pandémie mondiale du printemps 2020 a marqué un temps d’arrêt dans les manifestations menées par le camp pro-démocratie à Hong Kong depuis 2019. Fin mai, les citoyens et militants se sont à nouveau mobilisés pour protester contre le projet de loi chinois sur la Sécurité nationale qui les vise directement. Cette loi, qui vient d’être approuvée par le Parlement hongkongais le 28 mai dernier, permet entre autres que des agences nationales de sécurité, en l’occurrence chinoises, interviennent sur le territoire de la ville.

Nous avons recueilli les témoignages anonymes de deux jeunes manifestants, âgés de 17 et 19 ans, respectivement lycéen et étudiant. Leurs réponses traduisent leur détermination autant qu’une forme de pessimisme qui s’assimile à de la clairvoyance. C’est à l’évidence une génération largement plus informée et lucide que ses aînés sur les intentions de la Chine, et décidée à aller jusqu’au bout de la révolte.

Pari courageux dont on espère qu’il sera activement relayé par d’autres acteurs dans le monde. Ainsi, la Grande-Bretagne vient d’annoncer le 29 mai, soit au lendemain du vote sur la Loi de sécurité nationale, qu’elle envisageait de faciliter l’octroi et le renouvellement du passeport britannique spécifique à Hong-Kong à tous ses citoyens (British National Overseas) et au-delà de leur accorder plus facilement la citoyenneté britannique.




Que savez-vous du mouvement des parapluies ?

Le lycéen : C’est un mouvement PRNN [pacifique, rationnel, non-violent et non-blasphématoire]. Une révolution qui ne passe pas par la lutte armée, avec un leader. L’étudiant : Je ne sais pas grand chose du Mouvement des parapluies. Je sais qu’il a démarré en 2014 à cause du système d’élection du chef de l’exécutif et du conseil législatif mais on imaginait que le chef en question n’accèderait pas à ses fonctions. C’est à ce moment que l’on a commencé à former des groupes de rubans bleu ou jaune [pro-chinois ou pro-démocratie], il y avait des étudiants et des gens qui ont fait des grèves, des sittings à Causeway Bay, Central, Mongkok. Les manifestations étaient alors censées être pacifiques.


Qu’est-ce qui vous différencie de vos aînés ?

Le lycéen : Je suis plus ouvert à la nouveauté et aux nouvelles idées que mes aînés et je suis plus solide qu’eux.

L’étudiant : L’écart générationnel. Les informations qu’on reçoit aujourd’hui sont très différentes et les gens sont plus en mesure de développer un esprit critique que l’ancienne génération qui n’avait parfois pas la possibilité de s’instruire.


Qu’est-ce qui vous a fait rejoindre le mouvement ces derniers jours ?

Le lycéen : Je pense que la liberté à Hong-Kong est entre la vie et la mort. La loi sur la sécurité pourrait détruire complètement le mouvement, et l’avenir de Hong-Kong.

L’étudiant : Tout d’abord, la violence des forces de police. Du 9 au 12 juin 2019, ils ont commencé à largement utiliser les gaz lacrymogènes, et même différents types d’armes à feu. Et ça n’a fait qu’empirer, la police torture des gens en prison, elle en a peut-être même tué, et le pire est qu’elle nous arrête pour des raisons illégales pendant qu’eux-mêmes agissent de façon illégale. C’est la première chose que je ne peux pas supporter. La seconde est que le gouvernement continue d’ignorer les demandes du peuple et n’essaie jamais de comprendre ni sa situation ni ce qu’il pense. Il ignore la souffrance des gens et considère que ceux qui manifestent sont à blâmer.


Quel est votre souvenir le plus marquant de ces manifestations et des actions auxquelles vous avez pris part ?

L’étudiant : Il y a tant de souvenirs marquants. Un jour, je rejoignais une manifestation autorisée, sans veto des autorités. Et pourtant la police a commencé à utiliser des gaz et je n’ai pas pu m’échapper. Des gens sont alors arrivés et nous ont aidés à évacuer. Et lorsque je me suis retrouvé à nouveau sur les allées piétonnes, il y avait là des femmes qui nous ont apporté de la nourriture qu’elles avaient cuisinée pour nous pour s’assurer qu’on n’ait pas faim.


Pensez-vous que la nouvelle loi sur la sécurité nationale peut faciliter la répression du mouvement pro-démocratique ?

Le lycéen : Oui, la Chine va franchir une étape supplémentaire et réprimer les manifestations à Hong-Kong par exemple en envoyant la Police de la sécurité publique ou des agents spéciaux, et arrêter les manifestants ou en assassiner un qui serait populaire, ce qui transformerait Hong-Kong en Xinjiang [la région chinoise à l’ouest où sont réprimés les Ouighours]

L’étudiant : Non. Les gens vont encore plus se battre. La loi est juste contraire au système de Hong-Kong [un pays, deux systèmes]. C’est pour maintenir ce système que les gens ont précisément commencé à lutter, la loi ne fait que les inciter à aller plus loin.


Pensez-vous qu’un référendum sur l’indépendance de Hong-Kong pourrait aider ?

Le lycéen : Si Hong-Kong pouvait se libérer du contrôle de la Chine, elle pourrait accéder à la liberté et à la démocratie, et former un gouvernement choisi par le peuple.

L’étudiant : Oui bien sûr pour le référendum. Taiwan est un bon exemple à citer. Je pense que cela peut vraiment aider Hong-Kong à ne pas devenir la Chine.


Est-ce que la Chine pourrait devenir un jour démocratique ?

Le lycéen : La démocratie entre nécessairement dans l’évolution de la Chine. Mais je pense que cela prendra plus de vingt ans pour que cela arrive.

L’étudiant : Cela demande un effort long et important de changer la situation à Hong-Kong. Alors non, la Chine ne pourra devenir démocratique, tant que le Parti communiste continue d’être au pouvoir.


Les photographies nous ont été transmises par Charlie Wong, musicienne et vidéaste hongkongaise, qui prend part depuis des mois aux manifestations et les documente avec quelques amis étudiants.

Graffitis le 1er décembre 2019 : " Si ce n'est maintenant, quand ? Si ce n'est nous ? Qui ? "

Le 25 mai 2020 ; à gauche : "Libérez Hong-Kong" ; à droite : "Me battre avec vous me rend heureux". Quelqu'un a rajouté : " moi aussi". Le lendemain, ils étaient déjà nettoyés. Crédits Charlie Wong

Arrestations le 1er janvier 2020 à Causeway Bay. Crédits Charlie Wong














Les manifestants ont recours à un code couleur, qui date du Mouvement des parapluies en 2014, où le jaune désigne le camp pro-démocratie et le bleu celui des pro-Beijing. Le noir et le rouge renvoient à des équipements ou organisations du gouvernement qu'il s'agit de se réapproprier.

Ainsi, une station de métro a été "décorée" en octobre 2019. Crédits Charlie Wong






Après les affrontements avec la police, le matériel des secouristes et des manifestants est dispersé et gît au sol. Crédits Charlie Wong Mon souvenir le plus marquant c’est lorsqu’une cartouche de gaz lacrymogène a explosé juste à côté de moi; je n’avais même pas de masque. C’était comme un coup de semonce pour moi, j’ai alors réalisé que le gouvernement était foncièrement cruel avec les citoyens, j’adore les boissons glacées. Mais à cause du gaz et de ses effets, les boissons ou la nourriture étaient dégueulasses, j’avais le vertige et j’ai vomi. Comme je dis, un coup de semonce. Ils ne révèlent pas les ingrédients de ce gaz lacrymogène, mais vous pouvez deviner combien il est toxique quand vous en avez fait l’expérience, et je me dis que beaucoup de gens vont renoncer à avoir des enfants après ça.” (Charlie Wong)


Propos recueillis par Sumi Saint Auguste

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