« Nous devons sauver notre culture hongkongaise »
Siu Hei Chung, 33 ans, travaillait comme metteur en scène à Hong Kong. Il a quitté son pays en octobre 2019 pour se former à Zurich au théâtre dit « social ». Il nous livre, depuis l’Europe, son regard d’artiste hongkongais sur la situation de son pays et son avenir.
Vous êtes parti de Hong Kong en octobre 2019. Aviez-vous participé au mouvement de contestation ?
Oui, j’ai d’abord participé à la révolution des parapluies en 2014 puis je suis redescendu dans la rue à partir du mois de juin 2019 pour m’opposer, comme des milliers de hongkongais, à la reprise en main de la Chine et au projet de loi sur l’extradition . La rue était notre ultime recours et nous étions, à juste titre, très inquiets. Je n’ai pas quitté Hong Kong pour fuir mon pays. J’avais étudié la sociologie et la mise en scène, je travaillais comme indépendant pour différentes compagnies mais j’ai toujours eu le projet de me former à un théâtre plus social comme c’est la tradition dans le théâtre allemand. Au moment des manifestations, j’étais déjà inscrit dans un Master en dramaturgie à l’université des Arts de Zurich, connue à Hong Kong parce qu’elle propose des séminaires sur place ainsi que des programmes d’échanges. J’ai donc décidé d’y aller quand même.
Quel regard portez-vous sur la situation aujourd’hui à Hong-Kong ?
Je ne crois plus à une révolution. Mais nous avons notre langue, le cantonais, et une culture spécifique que nous devons absolument sauver, même si elle est complexe à définir. Nous possédons une double identité sino-britannique. Mais en même temps, je ne me sens ni Britannique, ni Chinois. Je me suis rendu compte durant ces cinq dernières années, que nous n’avions pas fait notre décolonisation culturelle ni vis-à-vis des Britanniques, ni vis à vis des Chinois. Par exemple au théâtre, nous jouons soit de l’opéra chinois, soit des pièces européennes. Je souhaite déconstruire cette pratique traditionnelle, interroger les événements que nous venons de vivre, nos liens avec l’Asie du Sud-Est aussi, poser la question de ce qu’est le théâtre hongkongais aujourd’hui et plus largement la question de notre identité.
Concrètement comment allez-vous faire ?
Nous sommes aujourd’hui exilés à l’intérieur et à l’extérieur de nos frontières. Nous n’avons plus de pays. A titre personnel, je voudrais créer une plateforme culturelle avec les Hongkongais qui vivent à l’étranger, même si je ne sais pas encore bien de quelle manière. Mais l’idée serait d’organiser des rencontres, des spectacles, des lectures, des conférences, d’être dans un processus continu de réflexions, d’interactions entre différentes disciplines pour construire cette identité. Je voudrais monter des pièces très participatives avec les spectateurs, avec des discussions, du débat. Par ailleurs, je pense que sur le territoire de Hong-Kong, une résistance « underground » va s’organiser. Je compte bien rentrer, y contribuer et y poursuivre ces axes de recherches et de questionnements.
Propos recueillis par Flore de Borde
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