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Nous ne sommes pas libérés de Trump

Nous ressentons tous un sentiment étrange aujourd’hui. Joseph Biden a remporté la victoire à l’élection présidentielle américaine. C’est un soulagement, tant la réélection de Donald Trump aurait pu plonger les États-Unis dans le chaos intérieur et extérieur. Mais en temps de Covid-19, on ne peut pas ne pas penser à une deuxième vague… de trumpisme. Le président sortant n’a pas été chassé par les électeurs. Il a gagné plusieurs millions de voix par rapport à 2016. Il a séduit davantage d’Afro-américains et d’Hispaniques qu’il y a quatre ans. Le vote féminin ne s’est pas détourné de lui. Donald Trump, et si ce n’est pas lui, le trumpisme, vont continuer de peser. Mais le plus grave est sans doute la réaction de Donald Trump aux résultats des élections. Comme il l’annonçait depuis des semaines, il considère que les votes par correspondance, pourtant encadrés juridiquement, ne sont pas valables ni même légaux. Il utilise cet argument pour contester la perte de son avance dans plusieurs états après le 4 novembre. Il ne s’agit plus d’une bouffonnerie, d’une provocation, d’une mesure liberticide, mais d’une attaque gravissime contre la démocratie américaine. Le président élu, parce qu’il perd l’élection suivante, récuse les règles du jeu électoral. On dit parfois que le critère distinctif d’une démocratie est la capacité d’un dirigeant de reconnaître sa défaite. Cela a par exemple été le cas lorsque le premier président ukrainien après le Maïdan, Petr Porochenko, n’a pas cherché à contester la victoire de son rival Vladimir Zelenski. Comment se fait-il que ce qui s’est passé dans une démocratie jeune et fragile soit foulé au pied dans une des démocraties les plus rigoureuses du monde ? En agissant à la manière d’un dirigeant autoritaire — et en donnant, peut-être, des idées à certains, Donald Trump blesse grièvement la démocratie américaine. Les régimes chinois, turc ou russe doivent se frotter les mains. Leur campagne mondiale en faveur de modèles de gouvernances « non-occidentaux » — par la sélection des meilleurs en Chine ou la « démocratie souveraine » en Russie par exemple — va certainement s’accélérer. Si la démocratie mène à ce que nous voyons à Washington, autant adopter des modèles plus sûrs, disent-ils. Il y a bientôt quatre ans, en janvier 2017, nous organisions la soirée de lancement des Nouveaux Dissidents. Nous avons été étonnés de l’affluence : presque 400 personnes alors qu’aucun programme spécial n’avait été annoncé. Mais nous avons compris que l’élection de Donald Trump avait constitué un choc pour beaucoup. La dissidence, la résistance pacifique à des attaques contre les principes démocratiques et la liberté, n’était plus réservée à des pays lointains. L’oppression, donc la dissidence, se rapprochaient. Quatre ans plus tard, Trump va partir. Mais la démocratie vacille encore plus dangereusement qu’alors. C’est pour cette raison que nous devons intensifier notre lutte, de la Chine au Bélarus, de l’Iran aux États-Unis, en passant par l’Afrique et l’Europe, pour faire connaître et soutenir les dissidents.

Alors, comme disaient les dissidents soviétiques : « levons nos verres à notre cause désespérée » !

Michel Eltchaninoff



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