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Est-ce qu’un dissident est quelqu’un de bien ?



Agrégée, docteur et maître de conférences en philosophie, Laurence Devillairs a publié récemment Être quelqu’un de bien. Philosophie du bien et du mal, (Puf), un ouvrage dans lequel elle questionne ce qu’est agir moralement, ce qui est en jeu quand une personne choisit le bien contre le mal. Nous avons lu le livre de Laurence Devillairs avec curiosité et intérêt parce qu’à nos yeux un dissident qui s’engage (souvent au péril de sa vie) dans une lutte pour défendre des valeurs et des droits, dénoncer des crimes et des injustices, exerce un choix, prend le parti d’une éthique – d’une morale. Et dans ce livre, ce qu’est un dissident nous est apparu nettement décrit sous la plume de Laurence Devillairs quand elle nomme “l’expérience morale, ce moment unique où l’on rompt avec l’enchaînement inéluctable des causes et des effets pour poser un acte, prendre une décision, ces carrefours de l’existence où se joue le sens du bien et du mal, où l’on peut faire bien ou mal faire ; et l’appréhension éthique qui se fait sans médiation, qui s’impose avec clarté, indépendamment de ce qu’en pense la société et de ce qu’en disent les lois ou les dieux.”


Nous sommes condamnés à la morale parce que nous sommes condamnés à la liberté. Vivre c’est choisir, c’est exprimer une vision du monde et du sens de la vie, nous dit Laurence Devillairs. Elle souligne le fait que l’expérience morale est une expérience d’absolu et de liberté, distincte de “ce qui n’est que normes ou convenances” ou de cette morale (moraline) “qui jauge et qui condamne”.


Le dissident, celui qui s’oppose, affronte des puissances autoritaires, aux dimensions monumentales, est un être actif de la vaillance et du courage (la première des vertus puisqu’elle donne le pouvoir de pratiquer toutes les autres). « Par le courage qu’il met en œuvre, il fait de la morale quelque chose d’essentiellement performatif : quand vouloir, c’est faire. Il montre que l’action est le critère fondamental de la morale : être quelqu’un de bien, c’est avoir du cœur à l’ouvrage, une forme d’impatience à faire ce qu’on doit. », commente Laurence Devillairs à propos du héros (le dissident n’est-il pas un héros ?).


Il y a aussi cette très belle réflexion dans le livre de Laurence Devillairs sur le fait que « Tout acte moral est ainsi un miracle, parce qu’il ne suit pas une route : il l’ouvre. Il manifeste cette qualité particulière que Kant nomme “spontanéité”, à savoir la capacité à “inaugurer par soi-même une série de phénomènes”. Par soi-même : quelqu’un de bien ne se laisse pas dicter sa conduite, en fonction de l’image qu’il veut que les autres aient de lui, ou que ses appartenances sociales lui imposent. Libre, il peut accueillir ce qui n’est pas lui. Il y a un miracle dans cette spontanéité car elle ne s’explique jamais totalement par ce qui la précède et qui paraît la susciter (indignation, sentiment d’injustice, sincérité…). Elle semble sans cause, ou plutôt n’avoir pour cause que cette liberté, cette audace à agir. »


Un dissident est quelqu’un de bien. Sans nul doute.


Il faut lire le beau livre de Laurence Devillairs !


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