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Dissidents en exil sous pression

Pour le 32e anniversaire du massacre de la place Tian'anmen, Taha Siddiqui, journaliste, réfugié politique pakistanais et fondateur du bar Dissident Club à Paris, a co-organisé avec des dissidents, des activistes, des intellectuels de plusieurs pays d’Afrique et d’Asie une manifestation samedi 5 juin, place de la République pour dénoncer le régime chinois. La semaine précédant l’événement, il a reçu, à plusieurs reprises, la visite d’un membre de l’ambassade de Chine en France.




Il est 18h, vendredi 4 juin. La terrasse du Dissident Club a réouvert depuis quelques jours et Taha Siddiqui s’affaire derrière son bar, entre boissons à servir, commandes de plats à emporter et l’événement qu’il co-organise le lendemain contre l’oppression et l’impérialisme du Parti Communiste Chinois, avec des ressortissants de plusieurs pays d’Asie et d’Afrique.

Mais le journaliste, qui a échappé à une tentative d’assassinat au Pakistan pour avoir dénoncé la corruption dans son pays, semble sur le qui-vive. Son regard se déporte toutes les trente secondes vers la rue. « Il va certainement revenir », lâche-t-il entre deux pintes de bières qu’il sert. « Lundi dernier, un homme s’est garé sur la place de livraison en face du bar. Il avait une voiture avec une plaque diplomatique. Il est ensuite passé devant le bar, est allé chercher des plats chinois dans le restaurant d’à côté, puis il est revenu, l’air de rien, a dit qu’il avait entendu parler anglais, que cela avait attiré son attention. Il a voulu savoir ce que c’était que ce bar, a commandé une bière. Je lui ai demandé si c’était sa voiture qui était devant, pour quelle ambassade il travaillait. Il m’a répondu qu’il travaillait pour l’ambassade de Chine, qu’il était attaché de défense. Il est revenu mardi et jeudi soir, très cordial, en disant qu’il aimait bien mon bar, qu’il y avait une bonne ambiance. Je lui ai dit que j’étais sceptique sur ses intentions car il travaille pour l’ambassade de Chine et que je suis un activiste qui lutte contre le régime chinois. Il m’a répondu qu’il y avait malentendu et certainement un moyen de trouver un point de convergence. Il se fait appeler David, certains de mes amis journalistes qui étaient là jeudi, l’ont vu, ils ont parlé avec lui, il a même été filmé malgré lui car nous étions en train de faire un tournage dans le bar. »

Taha Siddiqui, qui n’a pas froid aux yeux, en a profité pour l’inviter à l’événement qui s’est tenu le 5 juin Place de la République. Mais le journaliste se serait bien passé de cette visite. « Cela m’a perturbé, j’ai eu le sentiment d’être harcelé et je n’ai pas besoin de ce genre de stress en plus dans ma vie. Aujourd’hui, les opposants politiques en exil ne sont plus en sécurité dans leur pays d’accueil. » S’il cherche à comprendre les motivations réelles de cette visite : le faire taire, collaborer, faire pression sur ses parents restés au Pakistan (sachant que la Chine et le Pakistan sont des alliés), Taha Siddiqui voudrait plus de fermeté de la part des Européens sur leur sol. « Les diplomates de certains pays sont de véritables espions qui font pression sur les réfugiés politiques. Les pays qui nous accueillent nous donnent une protection de « papier », car rien n’est fait contre ces gens-là. Il faudrait tout simplement les expulser de France, d’Europe. Mais non, rien ne se passe, personne ne les empêche d’agir et c’est nous qui en payons le prix fort. »

Un témoignage qui corrobore celui de nombreux dissidents et exilés politiques en France (hongkongais, iraniens, turcs, ouïghours…). Et une situation de plus en plus inquiétante sur le sol européen notamment depuis le détournement criminel par le Bélarus de l’avion Ryanair pour arrêter le journaliste et opposant Roman Protassévitch.


Flore de Borde

Copyright photo : Taha Siddiqui


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