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Rassemblements en Russie : une nouvelle génération dissidente


Manifestation à Paris le 23 janvier 2021. Photo: Michel Eltchaninoff

Revenu en Russie dimanche 17 janvier et aussitôt arrêté, Alexeï Navalny poursuit son action derrière les barreaux. Acte 1 : la publication d’une enquête sur le palais que Vladimir Poutine se fait construire depuis des années au bord de la Mer noire. A l’heure où nous écrivons ces lignes, cette vidéo a déjà atteint les 80 millions de vues sur Youtube. Si l’existence de ce palais était déjà connue, l’équipe d’Alexeï Navalny détaille un système de détournements de fonds publics, à l’aide de prête-noms, d’une ampleur sans précédent. La dernière séquence du film, consacrée aux « femmes » entourant Poutine et participant à ce réseau, a certainement mis le Kremlin en fureur — le sujet est tabou en Russie.


Le deuxième acte du retour à haut risque de Navalny était l’appel à manifester en faveur de sa libération samedi 23 janvier. Pari réussi, puisque les rassemblements, interdits, ont mobilisé plusieurs dizaines de milliers de personnes. Depuis la grande vague de protestation de 2011-2012 contre les élections législatives truquées, ce 23 janvier apparaît comme un nouveau départ de la contestation en Russie. Ce qui a changé depuis 10 ans, c’est :

1/ la multiplication des lieux de rassemblements (6000 personnes à Krasnodar, 7000 à Ekaterinburg, 10 000 à Nijni Novgorod, etc.), avec une vivacité en Sibérie qui ne peut qu’inquiéter le pouvoir,

2/ la proportion importante de nouveaux manifestants (à Moscou, 42% sortaient dans la rue pour la première fois selon le sondage du sociologue Alexandre Arkhipov ; source Ekho Moskvy),

3/ la résolution des manifestants qui, comme à Vladivostok, n’ont pas hésité à s’en prendre aux forces anti-émeutes,

4/ l’offensive sans précédent de très jeunes pro-Navlany sur les réseaux sociaux. Les vidéos TikTok de jeunes filles proposant aux garçons de les accompagner à la manifestation, d’élèves décrochant le portrait de Vladimir Poutine de leur salle de classe ou d’une jeune fille expliquant comment faire semblant d’être américain pour ne pas se faire embarquer par la police ont eu un succès retentissant. Il faut s’attendre à un nouveau tour de vis de l’Etat russe pour tenter de contrôler ces réseaux,

5/ le nombre de personnes interpellées, jamais atteint depuis des décennies en Russie : plus de 3000 personnes. La brutalité de la répression révèle la fébrilité du Kremlin.

Des manifestations de soutien ont eu lieu dans le monde entier. A Paris, à l’initiative de l’association « Russie-Libertés », plusieurs centaines de personnes se sont rassemblées place du Trocadéro. Au nom des Nouveaux dissidents, nous avons pris la parole pour soutenir non seulement Alexeï Navalny et les prisonniers politiques en Russie, mais aussi, et peut-être surtout, cette nouvelle génération de « Poutine natives » qui n’hésitent plus à exprimer leur dégoût face au népotisme et à la corruption ambiante. Qui sait ? Peut-être nous souviendrons-nous de ce samedi 23 janvier comme le début d’une nouvelle ère pour la Russie, portée par ces jeunes qui, comme les dissidents d’antan, protestent de façon pacifique, sans s’affilier à un parti, au nom de leur indignation. Le slogan qui a retenti de Vladivostok à Paris était celui des dissidents ayant osé manifester, à moins de dix, sur la Place Rouge en août 1968, contre l’invasion de la Tchécoslovaquie : « Pour votre liberté et pour la nôtre ». Cet appel est encore le nôtre.


Vous pouvez signer la pétition appelant à la libération d’Alexeï Navalny !


Par Michel Eltchaninoff

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